Les générations s'expriment, mais qu'est-ce que les marques en comprennent ? Et surtout comment peuvent-elles s'adapter ? Dans cet entretien offert par Com'On Leaders, Patrice Laubignat, Fondateur Eforbrands, conférencier, consultant, CMO et auteur nous partage sa vision des liens entre émotions, fidélité et désir dans la relation marques-consommateurs.
Patrice Laubignat
Fondateur Eforbrands, conférencier, consultant, CMO et auteur
“Patrice est un expert hors pair, à la fois visionnaire et profondément humain, qu’il est impossible de résumer en quelques lignes tant son expérience et son engagement est inspirant. “Faire moins, mais mieux, mettre le client au centre du marketing, au cœur des marques et les marques au cœur de leurs clients” : telle pourrait être sa devise. Comme il le rappelle souvent : “C’est votre influence et votre impact qui dépendent avant tout du bonheur de vos clients...””
Quels sont les 3 chiffres qui vous ont le plus étonnés et pourquoi ?
Ce qui me semble très révélateur de l’évolution de nos sociétés, c’est certainement l’intensité des réactions à des pratiques et des comportements vieillissants. Ainsi la fast fashion déclenche la colère (presque 40% des émotions exprimées), le voyage dans de mauvaises conditions également tandis que manger et grossir ne devraient plus être associés. Dans ces trois exemples, les générations concernées sont capables d’exprimer un rejet fort et d’inciter leurs communautés à changer de pratique. On semble ainsi se recentrer sur le mieux manger, le mieux s’habiller, le partage pour recréer des relations saines et durables, et tout ceci contribue à une recherche de sens et d’équilibre. Pour autant, il s’agit dans l’étude présentée d’une analyse de celles et ceux qui s’expriment. Qu’en pense la majorité silencieuse alors même que la « mode » est présente dans 53% des conversations de la genZ ?
Comment la stabilité émotionnelle influence-t-elle la fidélité, les comportements des consommateurs envers une marque ?
Parler de stabilité émotionnelle est un challenge pour celui qui observe et qui aime les gens dans leur relation aux marques depuis 30 ans. D’abord parce que cette relation a évolué à mesure que les consommateurs sont devenus mieux informés, plus engagés, plus exigeants aussi. Ensuite, parce que l’humain est plutôt instable par nature, d’autant qu’il est soumis à de très nombreuses injonctions et tentatives d’influence venues de toute part. Dans ces conditions, dans cet environnement envahi par les nouveautés propulsées par les marques, il est tout de même en recherche de zones de confort. Et naturellement, une marque qui devient sa zone de confort, génère ainsi cette stabilité qui lui manque. Le consommateur est plus libre aujourd’hui et sort plus facilement de sa zone de confort, ce qui le conduit à plonger à nouveau dans une phase exploratoire certainement excitante mais souvent épuisante. Enchainer les coups d’un soir est davantage une forme de désillusion qu’une philosophie de vie. Il en va de même dans nos relations avec les marques. Nous préférons rencontrer des marques que nous aimons, vraiment, durablement.
Quelles tendances émergentes voyez-vous dans la consommation intergénérationnelle ? Et quelles campagnes, marques symbolisent ces nouveaux positionnements ?
Je pense que l’on assiste à une prise de conscience que le respect entre les générations est l’un des piliers du vivre ensemble. Les campagnes de communication ont trop longtemps été construites sur des cibles précises et circonscrites à une génération, se moquant parfois des uns ou des autres. Ce n’est plus possible. Si les codes ou même le langage n’est pas forcément le même entre génération, cela n’interdit pas le respect. Au contraire. Sans aucun doute, nous sommes dans une période où l’inclusion est devenue incontournable dans tous les domaines. On le voit dans les campagnes des banques et des assurances mais aussi pour beaucoup de biens de consommation courante. Une campagne que j’ai beaucoup aimé sur ce thème, c’est celle de la nouvelle Clio de Renault, par exemple, où l’enfant grandit jusqu’à devenir parent à son tour, toujours accompagné par cette belle marque.
La communication est toujours un miroir de l’évolution de notre société. Disons que c’est un miroir plus poli et plus respectueux de ce que nous sommes.
Entre prise de conscience, vivre une expérience innovante sur différents canaux de communication, permettent-ils de recréer un désir entre les consommateurs et la marque et avec quelles conséquences pour l'avenir ?
Toute innovation crée à la fois la peur et le désir. Au sens où la surprise peut être positive ou négative. Il en va de même pour une expérience vécue via la communication ou avec un produit. Le test de la nouveauté est une forme de jeu pour adulte. Nous avons toujours joué et cela reste un moteur de la vie humaine. Nous jouons avec notre image, nous jouons avec les autres, nous jouons en nous racontant des histoires. Il est donc normal que nous ayons envie de jouer avec la communication des marques. Est-ce que cela suffit à créer du désir ? Le désir est une tension entre ce que nous espérons obtenir et la réalité. Une fois acheté un produit perd de sa désirabilité, puisque la tension retombe. Lorsque la communication réussit à raconter la bonne histoire, elle participe du désir qui se crée dans l’esprit du consommateur.
C’est quoi aujourd’hui une Love Brand intergénérationnelle ?
Si je cite Nutella, je ne prends pas de risque ! Il n’est pas nécessaire d’être Dior ou Chanel pour être une
love brand qui traverse les générations. Cela marche aussi pour IKEA ou pour Evian.
En illustration, je voulais vous partager cet exemple d'une love brand anglaise toujours présente avec des campagnes émotionnelles et innovantes :