Lassitude publicitaire, quête d'authenticité... les conversations en ligne en révèlent beaucoup sur ce que les consommateurs attendent des marques. Mais comment les interpréter ? Dans cet entretien offert par Com'On Leaders, Fabrice Frossard décrypte les tendances clés de notre étude sur les Tendances Social Media 2026.

Fabrice Frossard

Spécialiste en technologie et en communication, consultant en stratégie de contenus, formateur en IA et Marketing/COM

“Spécialiste en technologie et en communication, consultant en stratégie de contenus, formateur en IA et Marketing/COM, Fabrice Frossard est fondateur de Faber Content, de L'avant Garde (IA) Formations - House Of content, directeur de conférences pour le Salons Solutions (ERP, CRM, IA, SIRH et Data) et le Forum Cyber, membre de The house of Content et de la Brigade du web. Il intervient aussi comme enseignant sur les sujets de communications/influence, informations, veille et IA.”

1.L'étude révèle que les marques initient moins de 1% des conversations en ligne liées à leur marque et que par conséquent 99% des conversations les concernant se déroulent sans leur présence, comment faire pour garder un lien avec ces internautes, les rassurer ?

Être absent des conversations ne dénote pas fatalement d’un manque de confiance. Echanger sur une marque pour recueillir des avis tiers avant un achat est une démarche rationnelle. En revanche, le fait que 99 % des conversations se déroulent sans l'initiative de la marque souligne l'importance vitale de l'écoute sociale pour garder un lien et rassurer ces internautes et transformer cette passivité en proactivité.

L’approche de l’écoute doit être structurée : suivre les mentions de marque, structurer les réponses en priorisant celle à fort risque de réputation, être humain et authentique dans la réponse et rassurer sur la transparence en invitant au dialogue l’utilisateur pour personnaliser l’échange.

2.On découvre que 79% des conversations font état de déception face aux produits et que les clients frustrés s’activent à décourager les autres. À votre avis, quelle est la meilleure façon de faire face à cette tendance ? Faut-il répondre en ligne directement au client mécontent en misant sur la pédagogie, le factuel, l’humour… pour répondre ?

Faire face à une proportion aussi élevée de déception produit (79% de conversations) est une urgence stratégique. La meilleure façon d'y faire face est une stratégie de réponse systématique, empathique et constructive. Nous sommes dans une mini gestion de crise et il faut agir comme tel, typiquement reconnaître la frustration du client et s’excuser le cas échéant.

Bien sûr, il faut tirer des leçons de ces conversations négatives pour améliorer le produit.

Le retour utilisateur est une mine d’or pour celui qui sait l’écouter.

3.Le rapport montre que plus de la moitié (54%) des conversations en ligne liées à la publicité expriment la colère, ce qui explique l’essor des bloqueurs publicitaires. Les experts Brandwatch expliquent que les consommateurs réclament des campagnes créatives et pertinentes qui ajoutent de la valeur au lieu d’interrompre leur expérience. Avez-vous constaté cette lassitude publicitaire et si oui, comment ?

La lassitude publicitaire, manifestée par 54% de colère, est une réalité due à l'interruption constante couplée à un manque de pertinence

Oui, cette lassitude est généralisée et nécessite de revoir la stratégie publicitaire en ligne et sur les réseaux sociaux. En moyenne nous sommes exposés à 5000 publicités par jour c’est beaucoup. La réponse pour capter l’attention n’est pas simple, peut-être revenir à du « push » avec des contenus informatifs, divertissants et utiles. Sans doute aussi se rapprocher des contenus utilisateurs (UGC) avec une esthétique plus brute/native.

L’autre approche est aussi celle mise en œuvre par certaines marques comme Burger King, Sixt, FREE entre autres. Ces entreprises n’hésitent pas à surfer régulièrement sur les évènements d’actualité avec humour ou interagir directement avec leurs clients. Ce newsjacking récurrent crée sur le long terme une connivence avec l’audience, quasiment un rendez-vous. Le rebond de Burger King sur le vol du Louvre et à ce titre exemplaire. Nulle autre marque n’aurait pu se risquer à cette pub sans être taxée d’opportunisme de mauvais aloi. La familiarité initiée par Burger King tout au long de ces années leur donne un crédit massif pour que cela suscite le rire et capte l’attention.

Par ailleurs, nous avons aujourd’hui les moyens de segmenter et de réaliser un ciblage contextuel, pour aligner la publicité sur un besoin exprimé. C’est un bon moyen de réduire la fatigue publicitaire.

L’objectif devrait être de transformer l'interruption en moment de découverte pertinent ou en divertissement. Sinon il reste la méthode de la répétition façon « Carglass » c’est efficace, mais onéreux.

4.Quels sont les codes à connaître sur les principales plateformes pour capter l’attention de consommateurs en quête d’authenticité ? En quoi l'intelligence artificielle bouleverse la communication et la perception des marques sur les médias sociaux ? À votre avis, est-ce plus facile pour certains secteurs que d’autres ?

Codes, Authenticité et Intelligence Artificielle : La maîtrise du langage propre à chaque plateforme est indispensable pour que le contenu paraisse "natif". Chacun connaît ces codes sans que l’on y revienne : spontanéité sur TitkTok, transparence sur LinkedIn, pédagogique sur YouTube, concis sur X etc. S’il est facile d’industrialiser la production sur les réseaux sociaux avec l’IA, il est tout aussi facile d’améliorer l’écoute sociale et les interactions de premier niveau avec des chatbots. Ce qui permet de dégager du temps pour les interactions humaines. Tout l’enjeu est ici de mesurer ce qui ressort de l’automatisation pure, de l’humanisation de cette automatisation et la place laissée à l’humain dans la relation avec l’utilisateur. Les réponses ne sont pas toujours évidentes.

En termes de perception, le risque de déshumanisation est réel.

Déjà, la multiplication de visuels générés par l’IA crée une fatigue visuelle et donc une indifférence, voire un rejet. Déclarer l’usage de l’IA est sans doute la meilleure approche, mais, encore une fois, la technique IA plus humain pour gérer l’image est nécessaire pour ajouter en humanité.

Dans ce cadre, et en revenant sur les fondamentaux de la com, une image se construit sur le long terme en créant une affinité avec le public dans la durée. J’évoquais Burger King, mais beaucoup de marque ont réussi à créer une réelle affinité avec leur audience sur du long terme en déclinant leur propre code de communication. S’il fallait le rappeler, la relation de confiance avec son public et ses partie prenantes se fonde sur un temps long, dans la récurrence des preuves de confiance en étant aligné avec ses attendus. Une relation de confiance se construit sur le long terme pour atteindre une forme de familiarité et d’attente.

En cas de crise, cette construction de la relation avec son public fournit des armes et prosélytes pour parer les attaques.

Perception de l'IA selon les secteurs : Selon les secteurs, valoriser l'IA est plus facile lorsque son usage est transparent et conduit à un bénéfice tangible pour l'humain ou la société (sécurité, écologie, efficacité), plutôt qu'uniquement à la réduction des coûts de l'entreprise. Si la perception de l’IA est très clivée, la mise en avant de sa fiabilité (par exemple pour la détection de fraude ou la rapidité d’une réponse client…) est une bonne pratique.

Globalement, son acceptation ou non dépend fortement de l'impact perçu sur le quotidien et la confiance.

5.En 2025, les mentions d'authenticité dans les conversations avec les influenceurs ont augmenté de 66%. Avez-vous constaté cette tendance de recherche d’authenticité parmi vos consommateurs ? Si oui, comment faites-vous pour y répondre ?

L'augmentation de 66% des mentions d'authenticité confirme que les consommateurs sont fatigués des placements de produits trop lisses ou non crédibles. Le nombre d’arnaques avec des influenceurs borderline a contribué à ce désaveu. L’honnêteté recherchée par la proximité mimétique est trop souvent mise à mal.

En réponse, et, sans jeter le bébé avec l’eau du bain, il faut privilégier les créateurs de communauté de niche, très engagée aux valeurs alignées avec la marque. Un partenariat de long terme au format « ambassadeur » permet de créer un retour d’expérience crédible. Enfin, il faut laisser au créateur une liberté créative et éviter les guidelines coercitives pour se border de toutes prises de risque. Bien sûr une transparence totale est de mise (déclaration du partenariat) et laisser libre cours à d’éventuelles critiques du produit.

6.Malgré le fait d’investir des budgets dans des campagnes avec des influenceurs, les annonceurs récoltent une part de mentions négatives qui est la plupart du temps supérieure aux positives (Par exemple, dans la finance, la part de négatif est de 40% contre 7% de positif). Dans la food, c’est 29% de négatif contre 8% de positif). Que vous inspirent ces chiffres ?

Les chiffres sont une sonnette d’alarme et révèlent un problème dans l’exécution de la stratégie.

Le retour négatif dénote un manque d’alignement marque/influenceur ou une insatisfaction sur le produit. Outre les ventes le marketing d’influence peut être rentable, il faut choisir les bons KPIs outre la vente produit, ce peut être la portée et éventuellement la gestion de crise. Pour une campagne l’identification des influenceurs est critique. Reste que si le négatif est récurrent, le problème peut aussi être dans l’offre 😊

Pour répondre aux mentions négatives, encore une fois, nous sommes dans une mini gestion de crise. Autrement dit, cela se prépare en amont avec un plan de réponse publique immédiate en reconnaissant l’erreur et en proposant une réponse personnalisée. L’IA est aussi secourable pour identifier les contenus haineux ou les attaques non constructives et les modérer, tout en « laissant les critiques constructives » visibles pour montrer la transparence.

Par ailleurs, ce qui est rarement fait, il faut briefer l'influenceur non seulement sur le produit, mais aussi sur la manière de réagir aux critiques qui pourraient survenir dans les commentaires de sa propre publication. En dernier lieu, il faut s’assurer que le brief ne promet pas trop. 

L'honnêteté sur les limites d'un produit est plus crédible que sa description comme parfait.