Nouveau marketing d'influence, questionnement autour de l'IA... les conversations en ligne en révèlent beaucoup sur ce que les consommateurs attendent des marques. Mais comment les interpréter ? Dans cet entretien offert par Com'On LeadersOlivier Bertin décrypte les tendances clés de notre étude sur les Tendances Social Media 2026.

“Depuis plus de 35 ans, Olivier Bertin accompagne les entreprises dans la transformation de leur marketing en articulant stratégie, organisation et excellence opérationnelle. Aujourd’hui, il aide les organisations à structurer leur transformation IA et à réinventer leurs pratiques Marketing pour renforcer impact, performance et cohérence.”

L’étude révèle que les marques initient moins de 1% des conversations en ligne liées à leur marque et que par conséquent 99% des conversations les concernant se déroulent sans leur présence, comment faire pour garder un lien avec ces internautes, les rassurer ?

Le rapport Brandwatch observe un écart important entre la parole des marques et la conversation réelle des consommateurs. L’essentiel des conversations est hors de contrôle direct pour les marques. Et la confiance s’érode ! Plus que jamais, les marques doivent donc faire preuve de transparence. Et cette transparence n’a pas pour principal effet de prévenir la critique, mais de stimuler les recommandations entre pairs.

Dans un contexte qui met les services clients sous pression (ils concentrent la majorité des mentions négatives), le rapport Brandwatch montre aussi un renversement intéressant. Les chatbots, longtemps critiqués, voient leurs mentions positives progresser fortement. Quand la technologie devient utile et lisible, elle n’est plus rejetée.

La publicité elle, n’est pas rejetée puisque les consommateurs apprécient de découvrir de nouveaux produits. Mais ils rejettent en revanche tout ce qui leur donne le sentiment d’être piégés. C’est un enseignement important, la publicité doit prouver sa valeur avant de capter l’attention. Et le rapport Brandwatch valorise aussi les marques qui proposent des environnements allégés en sollicitations ou des expériences volontairement non numériques, preuve que la fatigue numérique doit être prise en compte par les marques qui ne doivent plus se focaliser sur l’attention mais chercher aussi à la ménager.

Les marques doivent faire preuve de réalisme. Elles ne contrôlent plus la conversation. Elles ne contrôlent plus l’attention. Elles ne contrôlent plus la narration de leur propre valeur. Dans un environnement où les signaux faibles et les réactions spontanées façonnent la perception, le seul levier durable est la cohérence entre promesse, pratique et expérience réelle. Cela semble évident. C’est plus difficile à exécuter.

Pour les CMO, l’objectif ne peut plus se résumer à occuper l’espace. Il faut en comprendre les dynamiques à travers un dispositif d’écoute sociale actif, la détection des signaux faibles et l’analyse en permanence des irritants. Les déceptions « produits » et les promesses non tenues alimentent en effet plus que jamais la défiance. La marque ne peut donc se contenter de dire. Elle doit se concentrer sur le « faire », en particulier en concevant le service client comme un pilier stratégique de la marque. C’est un levier incontournable pour réduire au maximum la dissonance entre communication et expérience.

Faut-il revoir la manière de faire de l'influence ? Il semblerait que nombre de campagnes d'influence aient plus de retombées négatives que positives ? Comment mieux travailler avec les influenceurs ? Les erreurs classiques à ne pas commettre ?

Le rapport Brandwatch montre que l’influence ne fonctionne plus selon les ressorts qui ont dominé dans la décennie précédente. Les conversations liées aux influenceurs augmentent certes, mais une part croissante de ces échanges est négative lorsque les contenus paraissent artificiels, trop sponsorisés ou déconnectés des usages réels. Les contenus trop policés ou trop sponsorisés suscitent de la lassitude. De leur côté, les micro-influenceurs génèrent des communautés plus engagées et des signaux positifs plus stables. D’ailleurs, les campagnes qui s’appuient sur des profils très visibles mais peu cohérents avec la marque produisent davantage de réactions négatives.

Ces 2 phénomènes combinés montrent que la force de l’influence repose sur la relation communautaire plus que sur la visibilité brute. Chercher absolument la taille de l’audience semble être souvent une erreur alors que les communautés de niche offrent un contexte où la recommandation est crédible et la méfiance moindre. C’est souvent un terrain de jeu où les contenus sont plus personnels. Le public valorise le vécu plus que la promotion. Une marque a donc tout intérêt à laisser l’influenceur créer le contenu selon son ton et son cadre narratif. Chercher à imposer son langage est souvent contre-productif. Mais cette perte de contrôle n’est pas toujours suffisamment acceptée par les marques.

Revoir la manière de faire de l’influence n’est pas seulement souhaitable. C’est devenu un impératif. L’influence n’a pas perdu sa force, mais elle obéit désormais à des règles plus strictes de cohérence, de transparence et de pertinence. Les marques qui réussissent sont celles qui s’effacent suffisamment pour laisser émerger la voix du créateur, tout en garantissant un cadre éthique clair. Les autres continueront à produire du bruit, mais rarement de la confiance.

L’influence est un espace narratif à part entière et ne peut définitivement plus être résumé à un levier de performance immédiate. L’influence ne vend pas, elle installe un climat favorable. Garder cela en tête oblige le CMO à adopter des objectifs qui ne sont pas seulement transactionnels et à accepter une durée d’activation plus longue car la confiance ne se construit pas à court terme.

Parlons de créativité, l'IA va-t-elle standardiser les campagnes ? Comment parler d'IA sans faire peur à ses audiences ? Quel bon dosage ? (On voit dans l'étude que parler d'IA amène beaucoup de conversation négative sauf dans certains secteurs qui paraissent avoir trouvé la clé ...)

Oui, le risque existe de voir l’IA contribuer à la standardisation des campagnes. Le rapport Brandwatch montre que l’IA génère des discussions intenses, aussi bien positives que négatives, selon la manière dont elle est employée. Mais le danger de standardisation ne vient pas de la technologie. Il vient de la tentation de l’utiliser comme un raccourci. Lorsque l’IA est mobilisée pour produire rapidement des contenus génériques, les marques finissent par se ressembler. Ce n’est pas la faute de l’IA. C’est la faute à une logique d’efficacité qui prend le pas sur la singularité. L’IA ne standardise pas les campagnes. Ce sont les pratiques paresseuses qui les standardisent.

Un fait est certain, quand l’IA reste un argument marketing détaché de l’expérience vécue, elle déclenche des réactions négatives. Les marques doivent absolument être transparentes sur ce que l’IA fait et ce qu’elle ne fait pas. L’IA ne fait pas peur. Ce sont les usages opaques et mal cadrés qui suscitent l’anxiété des publics des marques. Autrement dit, l’IA ne peut pas et ne doit pas être un argument. Elle doit être un levier.

En résumé, parler d’IA n’est utile que lorsqu’elle apporte une valeur tangible.

Le mot de la fin ?

Pour conclure, le rapport Brandwatch est une analyse qui illustre le risque de perte de sens dans les stratégies marketing, trop centrées sur les métriques et peu sur l’incarnation. À travers tous les leviers disponibles, l’influence y compris, bien entendu, il convient de réhabiliter la voix de la marque, non pas simplement à travers un slogan mais d’abord une manière d’exister et ce que cela implique de cohérence nécessaire entre influence qui incarne, organique qui crédibilise et paid qui amplifie. Trop d’équipes marketing continuent à piloter ces leviers isolément. L’enjeu est de construire une architecture complète où chaque levier joue un rôle distinct dans une stratégie unifiée.

Cela implique de concevoir des récits qui dépassent les mécaniques de conversion et d’articuler tous les leviers pour produire une marque vivante plutôt qu’un dispositif efficace mais sans âme.