Là où les maisons historiques restent peu connues des plus jeunes, des enseignes comme Ikea ou Maisons du Monde parviennent à s’imposer grâce à une communication digitale forte et des expériences de marque engageantes. Dans cet entretien offert par Com'On Leaders, Thierry Villotte, Président de la Confédération des Arts de la Table, et Céline Beckrich, Secrétaire Générale, partagent leur vision des tendances générationnelles et expliquent comment la filière s’adapte aux nouveaux comportements, entre valorisation du patrimoine et adoption des codes digitaux.

1. Ressentez-vous ce décalage entre générations dans votre secteur ?

Oui, ce décalage est réel. L’étude récente sur la notoriété des marques des arts de la table, menée par Francéclat et présentée lors de notre colloque en juin dernier, l’a bien montré. Les jeunes générations connaissent très peu les marques traditionnelles de notre filière. La Gen Z ou les millennials citent spontanément Ikea ou Maison du Monde, mais rarement les maisons historiques que nous, professionnels, considérons comme emblématiques. Ce décalage est d’autant plus fort que la Gen Z ne connaît pas le sens du terme “arts de la table”, alors que les autres générations savent ce qu’il recouvre. 

Et si on élargit au retail ou à l’alimentation, les attentes sont très différenciées : la Gen Z recherche des expériences identitaires et partageables, les millennials privilégient le durable et l’éthique, la Gen X reste très attachée au digital et au e-commerce, et les baby-boomers valorisent la qualité et la transmission. Cela concerne autant l’art de la table que le culinaire ou le textile.

2. Avez-vous des exemples de ces décalages générationnels et comment vous y adaptez-vous ?

Un exemple frappant : dans notre secteur, la notoriété spontanée des marques reste faible. La première marque citée n’atteint que 13 %. À l’inverse, des enseignes comme Ikea ou Maison du Monde convertissent beaucoup mieux : elles sont connues, elles donnent envie d’acheter, et deviennent souvent la préférence d’achat. 

Pour nous, l’adaptation passe par deux leviers. D’abord, investir le digital : les jeunes générations et les CSP+ découvrent les marques sur Instagram, TikTok ou via les e-shops, avant de franchir la porte d’un magasin, quand elles le franchissent ! 

Ensuite, travailler la différenciation. Qu’il s’agisse de vaisselle, de casseroles ou de linge de table, nos produits ne doivent pas être perçus comme de simples commodités. Ils doivent incarner le plaisir, la convivialité, la culture de l’art de vivre et la durabilité.

Celine Beckrich

Secrétaire Générale Confédération des Arts de la Table

“Depuis plus de 15 ans, Céline évolue au cœur du secteur retail, avec une expertise approfondie depuis 7 ans dans le marketing digital. Reconnue pour ses multiples facettes professionnelles, elle est à la fois consultante et formatrice en stratégie digitale. ”

3. Avez-vous en tête une campagne qui s’est particulièrement adaptée à une génération particulière ?

Un exemple très parlant est Ikea, qui a su construire une communication digitale et un parcours d’achat parfaitement adaptés à la Gen Z : en mettant en avant des expériences, des moments de vie, la marque crée une forte notoriété, de l’intention d’achat élevée et une préférence d’achat. 

Mais nos marques patrimoniales ont elles aussi des leviers. Lorsqu’elles s’ouvrent à des collaborations créatives ou investissent Instagram et TikTok, elles réinjectent de la désirabilité auprès des jeunes. 

On le voit aussi dans l’univers culinaire : certaines marques dépoussièrent l’art de vivre en valorisant la convivialité et le fait maison. 

Cookut, par exemple, s’est imposée avec une communication jeune et fun, des articles colorés et personnalisables, en maîtrisant les codes des plateformes sociales.  

De son côté, Atma, une DNVB, a su conquérir le marché de la cuisson inox jouant sur les précommandes, les quantités limitées, en surfant sur la tendance de la cuisson à l’inox et en exploitant à fond les campagnes social ads.  

Ces initiatives montrent qu’il est possible de toucher une nouvelle clientèle en adaptant ses codes.

Thierry Villotte

Président ·Confédération des Arts de la Table

“Après 20 années en entreprise dans l’art de table, dont huit à diriger un des plus beaux noms de la filière, Thierry Villotte met son énergie bénévolement à la disposition de la filière en assurant la présidence de la Confédération des Arts de la Table depuis 2016, association qui fédère les acteurs de l’art de la table, du linge de table et des articles culinaires. Il participe également activement au collectif à travers Francéclat. ”

4. Comment identifiez-vous les différences de comportements de vos consommateurs ? Quelles pratiques et solutions technologiques utilisez-vous ?

Notre rôle de filière est de mettre en lumière les évolutions de toutes natures : habitudes de consommation, lieux de consommation, solutions technologiques. Nous faisons réaliser par Francéclat des études quantitatives et qualitatives, qu’il s’agisse de comprendre les comportements des consommateurs ou de mesurer la notoriété et les intentions d’achat. Nous nous nourrissons aussi d’analyses complémentaires comme l’étude “Être unique dans un monde qui s'uniformise” CMC présenté lors du colloque de la CAT, ou votre étude Brandwatch, qui apporte un éclairage précieux sur les attentes générationnelles.  

Nous passons du temps sur les grands salons, tels que Vivatech ou Tech for retail. Nourris de tous ces insights, mais aussi des bonnes pratiques de certaines entreprises de la filière, nous organisons des colloques pour nos adhérents au cours desquels nous présentons une analyse structurée des évolutions. 

Ensuite, c'est le rôle de chaque entreprise de s’inspirer de cette masse d’informations, de les adapter à son ADN, à sa cible de clients et à sa structure.