Les générations s'expriment, mais qu'est-ce que les marques en comprennent ? Et surtout comment peuvent-elles s'adapter ? Dans cet entretien offert par Com'On Leaders, Pauline Dujardin Directrice de la marque du Groupe Matmut nous partage sa vision sur la manière d’adresser efficacement chaque génération.

Pauline Dujardin

Directrice de la marque du Groupe Matmut

“+25 ans d’expérience dans de grandes agences de communication (Publicis Conseil, Havas Paris, BETC) à définir, piloter et déployer des stratégies de communication sur nombreux marchés : banque-assurance, services financiers, secteur para-public, PGC, retail, électronique grand public... Après avoir changé de secteur et de marque régulièrement, j'ai la chance de pouvoir m'attacher à une seule de manière exclusive.”

1. L'étude Brandwatch révèle des différences d'intérêt et de comportements des différentes générations sur un même sujet. Qu'en pensez-vous ? Ressentez-vous ce décalage entre génération dans votre secteur ?

Les différences d’intérêt et de comportement ont toujours existées. Elles sont constitutives de chaque génération. Le monde change, les gens aussi. Cela est vrai pour tous les secteurs.

 Les différences de comportements sont accélérées par les considérations environnementales, sociétales et économiques qui font bouger les lignes de la consommation dans son ensemble : du changement de recette de produits alimentaires (moins gras, moins sucrés, moins salés, sans huile de palme…) aux voitures électriques (fin du thermique annoncée) en passant par l’évolution du rôle des assureurs à assureurs-préventeurs (la fréquence et la nature des sinistres liés aux changements climatiques).

On ne peut pas dire comme dans la mode ou dans l’alimentation qu’une génération est plus fan de l’assurance auto ou l’assurance habitation ! L’assurance fait partie des achats contraints comme l’électricité.

Il y a effectivement des différences majeures d’intérêt et de comportements entre nos différents profils clients-sociétaires qui ne sont pas forcément uniquement liées à la génération X Y ou Z, mais à des moments de vie. C’est classique mais cela reste vrai encore aujourd’hui. L’achat d’une maison, l’arrivée d’un enfant, des enfants devenus étudiants restent des moments déclencheurs de nouvelles attentes en termes d’assurance. Ces moments sont générateurs de questionnements au regard des différents contrats souscrits. C’est le moment idéal pour les accompagner vers un bilan d’assurance qui permet un ajustement des contrats, parfois même à la baisse.

Il y a aussi des besoins qui évoluent en fonction de l’âge des assurés. Quand on souscrit à une assurance vie à 30 ans, on n’a pas la même vision que lorsqu’on la souscrit à 50 ans. A 30 ans, on pense épargne pour investir dans une voiture, une maison, les études des enfants… à 50 ans, on pense financement de la retraite, voyages, transmission. On adresse toutes les cibles sur les solutions d’épargne car notre offre à partir de 2€ par jour la rend accessible à tous.

Enfin, le vrai sujet pour les assureurs aujourd’hui en termes d’intérêt, c’est l’indifférenciation des marques aux yeux des jeunes générations. Les marques sont confondues, mal identifiées, les mutualistes / les non mutualistes, assureurs nous sommes tous dans le même panier. Or la bataille de la considération est le cœur du développement business, particulièrement pour les jeunes – la Gen Z – qui sont nos sociétaires de demain.

2. Si oui, avez-vous des exemples et comment vous y adaptez-vous ? Le cas échéant, comment arrivez-vous à construire des messages communs dans ce monde hyper personnalisé ?

En communication, nous cherchons à nourrir la marque dans sa capacité à accompagner le plus grand nombre. Dans cette idée, nous construisons nos messages plus en termes de posture de marque sur les grands médias qu’en termes d’offres très spécifiques. Les offres ou solutions plus affinitaires ou générationnelles sont traitées via des stratégies de contact complémentaires en digital, some et CRM.

Nous prenons aussi la parole avec un positionnement de hauteur quand nous répondons à des enjeux sociétaux via des innovations produit comme la solution Eco Malin qui permet de faire réparer sa voiture avec des pièces de réemploi à un coût moindre et ainsi favoriser l’économie circulaire. Toutes les cibles sont concernées par ces considérations environnementales et sont donc réceptives à un message commun.

De la même façon, pour adresser une cible sur un produit simple et évident comme l’assurance automobile, le message est plutôt commun. Les attendus fondamentaux sont universels : pouvoir conduire en étant assuré au regard des risques potentiels encourus. Toutes les offres se ressemblent même s’il est évident que quelques offres différenciantes permettent de se démarquer, par exemple à la Matmut le « Bonus famille » qui permet à l’enfant de bénéficier du bonus de ses parents, le message général porte donc sur le besoin fondamental. La personnalisation va se construire lors du parcours de souscription en ligne ou avec un conseiller.

3. Avez-vous en tête une campagne qui s'est particulièrement adaptée à une génération particulière ?

La campagne récente qui m’a marquée est celle d’Allianz sur le cyber harcèlement.

Pour interpeler les parents, elle utilise les codes de la Gen Z, des codes réseaux sociaux absolument incompréhensibles pour les cibles Gen X / Gen Y parentales et elle en joue. Elle code pour décoder, c’est ça qui est intéressant. De mémoire, les parents pensent comprendre à 75% les codes réseaux sociaux de leurs enfants alors qu’ils ne sont que 1% à les décrypter vraiment. Le cyber harcèlement est un fléau contre lequel nous n’avons pas encore les armes.

Cette campagne de sensibilisation doit aussi permettre un rapprochement des générations grâce à cette compréhension commune des codes et enclencher un dialogue. Parler le même langage est la clé pour bien communiquer.

Je pense également à Une campagne pas forcément très récente mais que j’ai découverte récemment : la campagne néo-zelandaise « Kids Pedigree Child Replacement Programme ».

Cette campagne s’appuie sur l’insight fort : les parents qui se sont investi pour élever leurs enfants et qui les voient partir avec tristesse. C’est le syndrome du nid vide qui touche principalement la génération X.

C’est plus un programme d’activation plein d’humour qui propose de remplacer les enfants partis par un chien. Via une plateforme de mix & match, les parents « abandonnés par leurs enfants » rentrent la couleur des cheveux, le quotient d’activité, le niveau d’appétit de leur enfant parti…, la plateforme digitale propose alors le chien le plus ressemblant et dirige vers un refuge local pour susciter l’adoption.

Pedigree utilise tous les leviers générationnels pour toucher la cible. De la nostalgie dans les prints avec une mécanique de splitscreen avec d’un côté le parent jeune avec les enfants et de l’autre le parent vieux et les chiens dans la même action, la déconstruction par les parents de leurs propres principes d’éducation parentale avec leur chien Vs leurs enfants dans les films. Je ne connais pas les kpis de Pedigree mais leur manière d’interpeler la cible avec humour est assez efficace.

4. Comment identifiez-vous les différences de comportements de vos consommateurs ? Et Comment ces insights, ces données générationnelles influencent vos choix de canaux de communication (YouTube, Facebook, Instagram, TikTok, X, Reddit, WhatsApp, Pinterest, Newsletters, TV, radio, Magazines, etc.) ?

Pour convaincre la Gen Z réputée pour sa volatilité et son besoin de désirabilité / de love brand, la personnalisation du message est clé. Encore plus pour une assurance qui relève d’une consommation obligatoire / subie. Je reviens à l’indifférenciation des marques d’assurance et à l’importance de la considération dans le funnel de conversion. Souvent, les jeunes choisissent la même assurance que celle de leurs parents, le sujet étant un peu obscur pour eux, c’est le plus simple. La question est donc « Comment préparer le terrain quand ils seront dans la phase de choix personnel ? »

Une de nos stratégies est de nous appuyer sur notre obligation règlementaire de prévention routière pour déployer un dispositif affinitaire. On connait tous le message : boire ou conduire, il faut choisir. Et pourtant, les plus touchés par les accidents mortels en voiture restent les 18-28 ans.

On est partis d’un insight : permettre aux jeunes de bien faire sera toujours plus efficace que de leur dire qu’ils font mal. On a emprunté leurs codes : les promesses. En soirée, on se promet plein de choses qu’on sera incapable de tenir après avoir consommé de l'alcool. Et ce n’est finalement pas si grave tant que l’on respecte la seule promesse qui a de l’importance : celle de rentrer chez soi en toute sécurité. C’est justement là que la Matmut intervient.

Avec les Codes Promesses, la Matmut transforme les promesses des jeunes avant de partir en soirée en codes promos Uber pour rentrer de sa soirée en toute sécurité. Une activation en social media qui met en scène toutes les promesses non tenues des jeunes pour les dédramatiser tant que l’on est assuré de pouvoir rentrer en toute sécurité. Une campagne qui permet à la Matmut de jouer la connivence avec sa cible tout en demeurant un partenaire de confiance sur lequel elle peut compter en fin de soirée.

Résultats : +2700 jeunes raccompagnés en toute sécurité et +286% de considération pour la marque en 2024.

En 2025, on est même allés encore plus loin avec une édition pour la Fête de la Musique encore plus affinitaire via une stratégie d’influence toute nouvelle pour un assureur. Les résultats sont encore plus forts avec des pics jamais atteints pour la marque en considération, recommandation, impression positive et souvenir publicitaire.